Lorsque Kael franchit les grandes portes de Celenthis, la ville s’inclina en silence.
Ses cheveux étaient devenus d’un blanc lunaire. Ses yeux, autrefois écarlates, pulsaient maintenant d’un éclat translucide, comme s’il portait les reflets de toutes les lignes du temps.
Mais malgré la puissance, malgré l’aura quasi divine qu’il dégageait, son cœur s’alourdissait d’une question non résolue : Et s’ils étaient morts ?
Sira l’attendait au sommet de la tour centrale.
“ Ils sont là, murmura-t-elle.“
“ …Qui ?“
Elle esquissa un rare sourire, tendre.
“Ceux que tu croyais perdus.“
Elle le guida vers un ancien sanctuaire restauré en abri pour les réfugiés hybrides. Là, dans la lumière douce d’un feu magique, se tenait un petit groupe.
Ira, la guerrière mi-démone, mi-humaine au bras gauche remplacé par une prothèse runique.
Ruk, le grand gaillard silencieux, toujours penché sur des rouleaux.
Mira l'hybride aux origines floues tenant la main de Tarin, l’ancien voleur mi-vampire, mi-homme, dont le regard était désormais voilé mais toujours fier. enfin… les jumeaux.
Ils avaient grandi. Plus âgés, plus solides. Mais ils coururent vers Kael en criant son nom.
“KAEL !“
Il ne parla pas tout de suite.
Il tomba à genoux, les bras ouverts, et les enfants s’y jetèrent. Mira pleurait. Ruk détourna les yeux. Ira resta droit, mais son poing tremblait.
“On a survécu, dit Tarin d’une voix rauque. On pensait… qu’on ne te reverrait jamais.“
Kael ferma les yeux.
“ J’ai échoué. Je n'aurai pas dû partir et vous laisser livré à vous même.“
“ Non, dit Mira doucement. Tu nous as donné une famille. Et maintenant… tu nous donnes un avenir.“
Ils passèrent la soirée ensemble. Rires, souvenirs, silences partagés. Kael écouta les récits de leur fuite, de leur survie dans les grottes de Marenth, de l’aide secrète reçue d’un marchand elfe traqué par l’Empire.
À la fin, Kael se leva.
“ Le monde ne nous a jamais voulu. Alors construisons le nôtre. Pas un abri… un royaume.“
Ira serra son poing.
“Dis-nous où frapper. On te suivra. Jusqu’au bout.“
Les jumeaux levèrent la tête, leurs yeux brillants.
“ Nous aussi.“
Ce soir-là, Kael ne gagna pas en puissance magique.
Mais il retrouva ce qui lui manquait depuis Vanyr : la chaleur d’une meute. Une raison plus grande que la vengeance.
Et quelque part dans son Sceau, une nouvelle rune se grava, silencieuse : “Lien.”
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Celenthis n’était plus un refuge. C’était une capitale en devenir.
Les bannières aux couleurs sombres et argentées flottaient au vent. La ville s’étendait chaque jour davantage, ses murs renforcés par magie, ses rues pleines de forgerons, de savants, de bâtisseurs et de soldats issus de toutes les races — mais surtout des exclus.
Au sommet de la citadelle noire, Kael réunit ses plus proches alliés.
“ Il est temps de vous donner vos rôles.“ dit-il d’un ton calme, mais sans appel.
“Ira, toujours directe.“ croisa les bras.
“ Dis-moi ce que je dois protéger. Ou ce que je dois briser.“
Kael sourit légèrement.
“ Tu commanderas les Lames Obscures. L’élite armée du royaume. Des unités mobiles, formées aux tactiques humaines, vampiriques et démoniaques.“
Ruk s’approcha sans dire un mot.
Kael lui tendit un cristal.
“Tu dirigeras l’Archivium, notre centre de recherche magique. Tu étudieras les ruines anciennes, les flux du Sceau, et les artefacts oubliés.“
Mira, douce et ferme, fut nommée responsable d'une unité sensorielle: un groupe des êtres capables de sentir la magie ,l'aura…
Tarin, bien que presque aveugle, conserva ses capacités.
“ Tu feras partie de mes Conseillers Suprêmes, dit Kael. Celui qui tempère les flammes.“
Tarin hocha la tête.
“ Tant que tu écouteras plus ton cœur que ton feu… je serai à tes côtés.“
Quant aux jumeaux, Kael les plaça sous la tutelle de Ira dans un programme spécial.
“Ils apprendront à maîtriser leurs dons… et à devenir les symboles vivants du renouveau hybride.“
Il posa une main sur leurs têtes.
“ Vous êtes les graines. Moi, je suis la tempête.“
Ce soir-là, sur la grande place, Kael s’adressa au peuple :
“ Jadis, ils nous ont appelés monstres. Nous avons fui, pleuré, hurlé. Plus maintenant. Ce royaume portera un nom qu’ils craindront… et que nous chérirons :
Valrath.
Le Royaume des Liés.
Des rejetés unis.
Des puissants oubliés.
Et dans le ciel, le Sceau projeta une lumière blanche. Une rune gigantesque s’inscrivit dans les nuages.
Le monde comprit alors… qu’un nouveau pouvoir était né.
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Au même moment,
L’Enfer n’était pas fait de flammes, mais de silence.
Un silence lourd, éternel, pétri dans les cendres volcaniques qui couvraient les terres de Névrath, le royaume des démons. Le sol y était noir, craquelé, suintant parfois de lueurs rougeoyantes. Les montagnes fumantes encerclaient la capitale, Draz’Kar, comme une couronne menaçante.
Le ciel n’y avait jamais été bleu. Toujours couvert de nuages souillés, piqués de rouge et de mauve. Des éclairs silencieux y dansaient, témoins de la violence contenue dans l’air même du territoire.
Et au cœur de tout cela… le Trône de Braise.
Draz’Kar n’était pas une ville, mais une forteresse titanesque construite dans le crâne pétrifié d’un titan ancien. Les murailles étaient faites de roches vivantes et d’os géants, renforcées par des chaînes d’obsidienne animées de conscience propre. Chaque bâtisse vibrait d’une magie ancienne. Les rues, quant à elles, étaient gravées de glyphes qui répondaient uniquement au sang démoniaque.
Nul n’y entrait sans y être né… ou sans avoir survécu au Rituel des Cendres.
Le royaume démoniaque n’était pas un chaos sauvage, comme le croyaient les autres races.
C’était un ordre brutalement logique.
Le Roi Démon, Zarkhann, gouvernait avec une poigne impitoyable, mais juste. Les Triarques, ses trois généraux, chacun maître d’un pilier (Guerre, Savoir, Magie). Les Nobles Sombres, familles anciennes ayant pactisé avec les flammes primordiales. Les Sangs-Renés, démons élevés par le mérite et la souffrance, la colonne vertébrale de l’armée. Enfin, les Hurlants, esclaves ou parias, survivant dans les profondeurs sulfureuses. Un Peuple en Éveil
Depuis des siècles, les démons s’étaient tenus à l’écart des affaires des humains, observant les humains s’autodétruire, les vampires décliner, et les autres races s’éteindre, bien que récemment ils ont participé à la destruction de Vanyr. .
Mais les oracles des flammes parlaient.
Les rêves étaient agités.
Des signes apparaissaient dans le ciel rouge. Des symboles inconnus. Des murmures dans la lave. Des visions d’un être aux cheveux blancs, portant la lumière et l’ombre en un seul corps.
Les anciens se réveillaient.
Et dans les profondeurs du Palais de Braise, Zarkhann ouvrit enfin les yeux.
Zarkhann, l’Inextinguible
Immobile depuis longtemps, le roi démon émergea de sa stase de pierre.
Immense, à l'apparence presque humaine comme la plupart des démons, yeux d’or liquide, deux cornes asymétriques pointant vers le néant. Son cœur battait au rythme du feu du monde.
“ L’équilibre vacille…” murmura-t-il.
Sa voix fit vibrer les murs. Les colonnes de lave tremblèrent. Le Palais hurla.
Il se leva. Son ombre recouvrit la salle du trône.
“ Qu’on convoque Vharn, Nyssar, Draveth. Le monde s’agite… et Névrath ne restera pas endormi.
Le Trône de Braise n’était pas un simple siège. C’était une entité.
Forgé dans la carcasse d’un ancien Seigneur du Néant, nourri par les flammes des premiers cieux, il ne reconnaissait qu’un seul maître. Et quand Zarkhann s’y assit de nouveau, après un siècle d’hibernation, la salle entière s’embrasa.
Les piliers hurlèrent, les torches s’agenouillèrent, et les ombres se plièrent à sa volonté.
Le Roi Démon était revenu.
Les Trois Triarques
Un à un, ils apparurent, convoqués par l’appel brûlant du Trône.
Vharn, le stratège silencieux, aux yeux couverts d’un bandeau, sa peau marquée de cartes mouvantes : un général qui lisait la guerre comme un livre ouvert.
Nyssar, la magicienne, reine de la connaissance interdite, flottant légèrement au-dessus du sol, enveloppée dans des voiles d’encre mouvants. Ses pupilles tournaient comme des vortex, chacune contenant une formule.
Draveth, le Titan Silencieux, dont le corps semblait taillé dans la roche vivante. Il ne parlait jamais. Il écoutait. Et quand il bougeait, la terre s’en souvenait.
Ils s’agenouillèrent.
“ Le feu parle à nouveau.“ dit Nyssar en inclinant la tête.
“Il murmure votre nom, mon roi.“
Zarkhann fixa chacun d’eux, impassible.
“ Qu’avez-vous vu du monde extérieur, en mon absence ?“
“Un Monde en Mutation”
Vharn fut le premier à répondre.
“ L’Empire humain s’étend plus que jamais. Leurs Chevaliers Sacrés restent invincibles. Ils purgent les races non humaines par-delà les mers et les montagnes.“
“ Les vampires s’étiolent, continua Nyssar. Mais une rumeur persiste… un hybride. Un être unique. Il défie les royaumes. Il bâtit une armée de rejetés.“
Zarkhann plissa les yeux. Il avait rêvé d’une silhouette… blanche. Seule dans les cendres.
“ Et ce royaume de cendres que les oracles appellent… Valrath ?“
Nyssar sourit.
“ Un royaume d’hybrides, fondé par un mi-homme mi-vampire. Son nom : Kael.“
Le Roi se Lève
Zarkhann serra les accoudoirs du trône. Il sentit le feu lui parler.
Kael.
Un nom. Une vibration.
Il se leva. Une aura rouge et noire s’étendit, fendant la pierre et glaçant même le silence de Draveth.
“Si ce Kael défie l’Empire… il est un fou. S’il veut unir les rejetés… il est un rêveur.“
Il fit une pause.
“ Mais s’il veut briser les chaînes de ce monde… alors peut-être… qu’il mérite mon attention.“
“ Vharn. Tu enverras tes éclaireurs. Infiltrez Valrath. Observez. Testez leur roi.“
“Nyssar. Trouve-moi tout ce que tu peux sur le Sceau qu’il porte. Il ne vient pas de notre monde.“
“ Draveth. Prépare nos Légions. L’équilibre est sur le point de changer.“
Mais personne n'a parlé de la petite attente avec l'Empire derrière le dos du Roi-Démon.
Il descendit les marches du trône, son regard tourné vers le lointain.
“Le monde a oublié ce que signifie la peur. Il est temps qu’il se souvienne…
… de ce que le feu cache dans les ténèbres.“